Interview d’Alexandre Thuriot

Si vous aimez les retours d’expérience, l’intervention d’Alexandre Thuriot à la prochaine édition de Performance Web vous plaira certainement. Nous l’avons interviewé pour en savoir plus sur son sujet de prédilection, la plateformisation des médias et la monétisation. Prenez le temps de lire l’interview vous apprécierez d’autant mieux sa conférence sur place.

Alexandre, pouvez-vous vous présenter ?

Je travaille dans le SEO depuis à peu près 10 ans. J’ai un profil technique car j’ai commencé par le développement puis j’ai migré au fur et à mesure de mes expériences vers le SEO. Je suis basé à Lyon et depuis 2 ans je travaille pour M6, chaîne de TV Française. J’interviens sur les cinq gros sites que nous avons dans la maison.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la plateformisation des médias et la monétisation ?

Sur les différents sites ou portails que l’on peut avoir aujourd’hui chez M6, nous avons des sites institutionnels comme www.6play.fr qui est une extension de la TV où l’on trouve le replay des émissions de télé et pour lequel il n’y a pas forcément besoin de monétisation. Nous avons également des sites tels que www.cuisineaz.com qui relaie des recettes de cuisine, www.turbo.fr dans une thématique auto, www.deco.fr sur la décoration maison qui ont tous une thématique différente mais un point commun : la publicité, un levier principal de croissance. Pour cela, on a besoin d’une forte visibilité car plus on a de pages vues, plus on a de rémunération. Dans ce levier de la visibilité on retrouve deux gros acteurs : Google et Facebook. La plateformisation des médias c’est être très visible sur les réseaux de Google et Facebook pour donner le plus d’audience possible sur nos sites internet médias.

Quels points allez-vous développer sur la plateformisation et la monétisation ?

Concernant la monétisation, il y a de nouvelles règles mises en place en début d’année par le « coalition for better ads ». Il s’agit d’un consortium, à l’origine poussé par les différents acteurs du web dont font partie Google et Facebook, qui veut régir l’usage de la publicité sur internet et bannir tous les formats publicitaires qui sont relativement intrusifs. Je prends l’exemple d’une publicité interstitielle sur un mobile qui en termes de monétisation fonctionne bien mais peut être blacklistée par Google. Il y a un renouvellement sans cesse, une nécessité de trouver de nouveaux formats qui soient le plus natifs possible tout en sachant que l’on consomme de plus en plus depuis un smartphone. Il faut savoir que la monétisation sur un smartphone est 3 fois plus faible que depuis un desktop. En effet, nous n’avons pas les mêmes dispositifs, les mêmes emplacements ni les mêmes habillages.

Pour la plateformisation, j’évoquerai l’Instant Article et l’AMP, deux standards suggérés respectivement par Facebook et Google et censés répondre à la problématique de l’usage mobile. En effet ces formats comme l’AMP de Google, par exemple, limite l’usage de la publicité et permet ainsi un chargement plus rapide des pages. Un site média avec la technologie AMP gagne en visibilité mais sera limité au niveau des formats publicitaires. Il faut donc trouver le point d’équilibre entre gagner en visibilité vs la monétisation.

Quels sont les formats publicitaires qui fonctionnent le mieux ? D’ailleurs, qu’en est-il du display et des bannières ?

Les formats display et bannières fonctionnent encore bien sur un desktop notamment grâce à des technologies telles que Prebid. Ces technologies permettent de bien segmenter les publicités, de les charger au bon moment, de mettre en concurrence toutes les régies publicitaires avec lesquelles on travaille et à l’instant T, avant le téléchargement de la page, d’afficher la publicité qui rapportera le plus d’argent. C’est un dispositif sur lequel on s’est tourné pour gagner en monétisation. La contrepartie pour l’internaute est un ralentissement du premier chargement de la page à cause d’un calcul qui est fait côté javascript. Cela s’applique parfaitement sur un desktop, un site mobile responsive et plus récemment un site en AMP, excepté sur certains formats publicitaires (interstitielle, vidéo autoplay,…). Cela n’est pas applicable sur un format Instant Article car limité à la régie publicitaire de Facebook qui, au passage, prend 30% de revenus dans sa poche.

Quels sont les avantages de l’AMP ?

AMP est une technologie open source qui existe depuis 2 ans à l’initiative de Google pour améliorer l’expérience utilisateur sur mobile. Dès lors qu’on décline nos pages au format AMP, celles-ci sont chargées rapidement, en 1 seconde. Cela évite le pogosticking, c’est-à-dire que si une page met 3 à 4 secondes (certaines mettent jusqu’à 10 secondes) pour se charger, l’internaute revient sur la page de résultats de Google et clique sur le lien du concurrent.

En fonction de vos typologies de pages, Google va vous valoriser dans ses pages de résultats. Par exemple, si vous faîtes de l’actualité et que vous êtes sur Google Actualités, il est essentiel d’être sur AMP car pour n’importe quelle recherche d’actualités s‘affiche désormais un carrousel avec 12 emplacements en haut de la page, que ce soit sur un mobile ou un desktop, et Google favorise pour ces emplacements, les sites au format AMP. Cela offre une visibilité très forte qui va attirer l’œil, attirer le clic et générer plus d’audience. En attirant les visiteurs on a déjà rempli une première partie du contrat.

Il faut savoir qu’aux US, Google va jusqu’à payer des médias pour qu’ils développent l’AMP sur leur site. L’intérêt pour Google est de faire rester l’internaute dans son écosystème. Dans sa page de résultats, Google cherche à proposer la réponse directement à l’internaute avec les Featured Snippets ou la position zéro, selon la traduction qu’on en fait. L’internaute n’a pas besoin d’aller plus loin, il reste sur la page de résultats Google sans aller sur le site de l’éditeur. C’est en ce sens qu’on parle de plateformisation des médias Google, on reste sur le domaine Google.

Par contre Google s’est rendu compte que le format AMP était trop rapide par rapport à la publicité. Le contenu se chargeait tellement rapidement que la publicité arrivait 1 seconde après le contenu. Le clic sur la publicité ne se faisait donc pas car l’internaute avait déjà scrollé quand la publicité s’affichait. A l’inverse, depuis un site mobile classique ou un desktop classique l’internaute doit attendre que la publicité se charge pour voir s’afficher le contenu à cause du calcul de javascript. Malgré tout Google a beaucoup travaillé sur ce sujet et a développé une nouvelle technologie, l’AMP ads, qui permet de charger la publicité en même temps que le contenu. Désormais on peut avoir une monétisation identique de part et d’autre.

Google communique beaucoup sur AMP, fait des conférences, des formations auprès de développeurs (pour les gros sites) pour qu’ils adoptent cette technologie. Leur enjeu aujourd’hui est de faire utiliser l’AMP sur les sites e-commerce. Ils vont même jusqu’à implémenter le paiement en ligne pour avoir une plateforme complète.

La logique est la même pour Instant Article. Lorsque vous partagez un article sur votre flux Facebook, vous avez la mise en avant classique avec le titre et une description de l’image. Si vous cliquez pour ouvrir vous n’allez pas directement sur le site de destination vous restez dans le flux Facebook car le contenu est téléchargé dans Instant Article. Ainsi vous lisez l’article en entier depuis Facebook qui par ailleurs autorise l’utilisation d’une seule régie publicitaire : la sienne.

Il y a de fortes chances que le web se standardise avec les nouvelles lois, dont la RGPD, qui arrivent en Europe. Il se peut que tout ce que l’on a mis en place notamment en termes de tracking et de retargeting ne soit plus tout à fait légal dans 6 mois. Ainsi, on tend vers des plateformes Google et Facebook pour récupérer des données étant donné que les utilisateurs auront déjà validé leurs CGU.

On était déjà dépendant de ces plateformes pour l’acquisition de trafic naturel, on l’est aussi pour la monétisation.

Pourquoi avoir accepté l’invitation de Patrick à intervenir lors de notre prochaine édition ?

Je suis déjà venu à PW en tant que participant. J’avais bien aimé le format très qualitatif et apprécié de découvrir de nouveaux speakers. La thématique webmarketing est relativement large et pas seulement SEO centric. La mixité de l’audience permet des échanges intéressants et de voir de nouvelles têtes. Ce que j’aime dans les conférences se sont les retours d’expérience avec des informations qu’on ne retrouve pas ailleurs.